JOËL DEGBO, GREGORY OLYMPIO, DIDIER VIODÉ & ZINKPÈ

AVIVÔ 2022 ©Maxence Bentho

AVIVÔ

SEPTIEME Cotonou
1 octobre 2022 – 7 janvier 2023

Pour l’ouverture de son nouvel espace au Bénin, SEPTIEME Gallery fait le choix de creuser son questionnement de l’entre-deux. Cet entre-choses, à la fois temps et espace, qui vient questionner les lignées en place et qui dérange. Cet entre qui perturbe les tracés, ces droites qui nous rassurent et qui structurent le monde.

 

Entre Cotonou et Paris, SEPTIEME a décidé d’y tracer un quelque chose qui relit, peut-être un pont, peut-être un fil? Dans cet entre se trouve une infinité de façons d’être qui se réalisera exposition après exposition, dans le dialogue des artistes, des êtres, des publics et des idées.

 

Mais comment écrire l’histoire de cet entre, qui relit Paris à Cotonou, sans ajouter une nouvelle strate de fragmentation ; tirer un nouveau trait, ajouter une case à la grille, une frontière de plus? L’exploration de l’entre doit rester fidèle au refus de délimiter, au refus d’appartenir dans son entièreté, au refus de répondre pleinement au code, à la liberté d’être une
chose tout en étant son autre. Comment SEPTIEME peut appartenir à deux lieux, mais à aucun, à la fois engagée et détachée, dirigée par cette possibilité de créer du nouveau ?

 

AVIVÔ, fièvre en fongbe, est une réponse de SEPTIEME sur proposition de Zinkpè. La fièvre, choisie comme ce qui lie, ce qui relie, comme cette
nuée ardente qui déborde, est ce qui dépasse les corps. Elle transmet et se transmet, passe de l’un à l’autre. Invisible, elle se désaxe librement au gré des éléments qu’elle rencontre. Zinkpè, maître des terres de l’art au Bénin, invite à la fièvre, invite à contourner les contours pour emporter avec lui ceux qui ont la fièvre de dire, d’esquisser, la fièvre de créer et de proposer
à travers cette exposition collective au côtés de Joël Degbo, Gregory Olympio et Didier Viodé, artistes de la galerie depuis son ouverture en octobre 2019.

 

La fièvre peut être ardente, élevée, faible, intense, modérée, forte ou vive. Elle peut se déclarer, diminuer, empirer, passer, tomber ou retomber. La fièvre crée l’allégresse de la vie, elle est coupable de la folie d’abattre les règles. La fièvre habite et contagie. Cet état d’agitation, de révolte contre l’état de norme, éprouve le corps et l’esprit et nourrit le désir de créer. On tremble, on sue dans nos chairs et nos pensées pour proposer du neuf, un regard nouveau, un déplacement.

AVIVÔ est la proposition de relier quatre artistes par un espace, quatre artistes liés par cette fièvre de faire circuler, qui tentent de faire fît des contraintes
intérieures et extérieures, de n’être que nuée fluide, éparse, étendue et vibrante reliant l’ici et l’ailleurs.

 

Dans l’exposition, la fièvre est représentée par le nuage. Masse légère, de forme indécise, comme en suspension, le nuage est libre d’aller dans un espace illimité et indéfini d’où il peut fendre chaque lieu. La métamorphose permanente du nuage, rappelle la liberté d’être et de devenir. Impossible de le cantonner à une forme précise, au gré des vents et du temps, il se déforme et représente le perpétuel renouveau. Transformé, il n’est jamais celui qu’il était à l’instant précédent, créant les conditions d’une impossible délimitation. Les nuages sont à la fois familiers, mystérieux, visibles et insaisissables, capables de cacher une partie du ciel sans toutefois en obstruer la lumière.

 

Zinkpè donne corps à AVIVÔ par son installation éponyme. Il nous propose son propre nuage, ce globe de statuettes ibejis qui flottent ensemble, créant un milliard d’entre-espaces sans jamais qu’une ligne n’apparaisse. Les statues virevoltent. Jamais stables, elles évoquent l’incertitude, le peut-être face à laquelle aucune frontière ne peut résister. L’installation dans son ensemble est donc soumise aux aléas de son environnement au travers de visiteurs, d’un souffle ou d’une présence insaisissable.

 

Symboles de fécondité et de douceur par la pluie qu’ils recèlent, les nuages reflètent la magie du monde, la fugacité de toute chose et l’espoir d’un futur toujours possible porté par la continuité de la vie des femmes et des hommes. Zinkpè a taillé son nuage au couteau, donnant naissance à une multitude de vies entrelacées représentées par ces petites statuettes de bois, autant identiques que différentes. Elles représentent la gémellité, ce double imparfait, cette exception de la vie qui permet aux femmes de mettre au monde deux enfants, créant de fait, un entre espace des plus particuliers. Célébrée à travers les frontières, au Bénin, Nigéria, au Togo et au Ghana, Zinkpè rend hommage à la création de la vie et aux liens invisibles et magiques tissant le monde.

 

Par sa fièvre, Zinkpè transmet.

Joël Degbo en résidence au Bénin à l’atelier Zinkpè propose une nouvelle série consacrée au paysage urbain béninois. A travers la peinture, mais aussi la vidéo et l’installation, le travail de Joël Degbo aborde la question de l’histoire des territoires, des espaces en mutations et de leur patrimoine, notamment de lieux déconsidérés, laissés à l’abandon ou mutés de force. Il tente d’écrire leur mémoire.

 

Son histoire personnelle s’infiltre dans ses œuvres, notamment sa double appartenance, son identité franco-béninoise multiple qui lui procure cette
sensation d’appartenance partielle à son territoire de vie – notamment dans la peinture Palmier au milieu d’un jardin villepintois issue de ses séries sur la banlieue parisienne. Comme un autoportrait, ce palmier symbolise cette sensation d’extériorité, implanté dans un ailleurs.

 

A Cotonou, Joël a croisé la route de la nouvelle palmeraie accueillant les riverains à l’entrée de Fidjrossè où jadis se tenait un quartier entier. Ces courts palmiers, récemment implantés, ont remplacé des vies, au nom d’une ville nouvelle, d’un nouvel espoir. En peignant ces palmeraies, Joël passe de l’autoportrait au portrait. Son cheminement jusqu’au Bénin, sa terre d’origine, sa reconnexion avec son identité lui a permis ce transfert.
Ce retour au pays se traduit par ce rapport à ces vies déplacées. Sa reconstruction à lui, coïncide à celle de ce quartier aujourd’hui invisible à qui il rend hommage, au portrait de toutes ces vies qui cimentent un patrimoine immatériel pour cet espace à première vue désert.

Gregory Olympio pour décrire sa volonté de libérer les femmes et les hommes de leurs identités, en invente de nouveaux. Ses doubles portraits se réfèrent à tous et personne à la fois, ils sont des êtres imaginaires créés à partir de souvenirs réels ou fabriqués. Rien n’est dit de plus sur la relation de ces deux personnages. L’espace, entre eux, suggère. Il laisse place au possible. Leur zone de contact précise un peu, sans en dire trop. Sont-ils liés, amants, frères ou voisins, ou simplement co-existants? Gregory ne détaille pas, il refuse d’enfermer. Les contours ne sont jamais francs, toujours à l’écoute
d’une couleur ou d’une autre.

Didier Viodé a choisi de se questionner lui-même. Il s’est adonné dans cette série à un travail introspectif. Quoi de mieux pour explorer la subtilité de l’existence que de questionner sa propre identité. Regarder le monde, est pour Didier le moment de reposer un œil sur son chemin intérieur, c’est une introspection autobiographique qui enchâsse images et gestes de sa vie, ses parents, son enfance, ses croyances. Il met à nu son intimité pour se dévoiler au-delà de son propre corps. Il dit son parcours et ses détours. Les portraits sans visages préservent une certaine pudeur, il se livre sans nous confier les détails.